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Fouilles préventives au Tréport :

l'établissement rural gallo-romain

du chemin des Granges

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En juin 2011, le diagnostic réalisé par l'INRAP (resp. E. Petit) au Tréport, chemin des Granges, dans le cadre d'un projet de lotissement de la SCI SELMA Immobilier avait révélé "une sépulture à incinération de la fin de La Tène C2/début D1 et un complexe pouvant correspondre à une villa gallo-romaine" (Petit 2011).

La fouille confiée au SMAVE s'est déroulée de mars à juin 2012, sur une surface de 12.900 m2 correspondant à la moitié orientale du projet immobilier.

Les données recueillies confirment la fourchette chronologique établie lors du diagnostic, couvrant  La Tène finale – voire la fin de La Tène moyenne – jusqu'au milieu du IIe siècle. Différents états d'enclos fossoyés ont été observés, associés à des structures en creux (fosses, trous de poteaux, mares, structures de stockage...) et, pour la période antique, cinq bâtiments sur fondations légères en silex.

Circonscrite à l'emprise du projet immobilier, la fouille n'a permis qu'une lecture très partielle du site. Toutefois, l'ensemble des vestiges mis au jour semble indiquer une évolution en continu, d'un établissement rural laténien vers une villa gallo-romaine.

 

La première occupation structurée trouve ses origines au plus tôt à la fin de La Tène moyenne. Elle est caractérisée par un enclos implanté en bordure de plateau, à l'embouchure d'une gorge perchée – ou valleuse – incisant la falaise côtière vers le N-NO.

Un fossé simple définit un espace quadrangulaire, aux angles arrondis, orienté NE/SO, se développant hors emprise vers le SO (surface au moins égale à 3.200 m2), et cantonné d'un petit enclos curviligne au NO (dispositif d'entrée ?). L'ensemble paraît s'inscrire dans un système parcellaire orthonormé.

Concentrés dans l'enclos, mais aussi à l'extérieur au SE, quelques fosses, ainsi que deux bâtiments sur poteaux peuvent raisonnablement être associés à ce premier établissement. Il en va de même pour la sépulture mise au jour lors du diagnostic.

Le mobilier céramique est constitué majoritairement de formes non tournées correspondant à la batterie culinaire et de stockage en usage dans le nord de la Seine-Maritime dès la fin de La Tène moyenne et qui vont perdurer tout au long de La Tène finale. Les formes ayant peu évolué durant cette période, et en l'absence d'autres indicateurs chronologiques, il est difficile d'affiner la datation.

 

La ferme gallo-romaine précoce se superpose, au moins pour partie, à l'établissement laténien et s'étend vers le NO. Un nouvel enclos fossoyé, de forme vaguement trapézoïdale, délimite un espace supérieur ou égal à 4.800 m2 (angle SE hors emprise) ; les côtés ouest sont délimités par un fossé double, les côtés est par un fossé simple. D'autres fossés, de section plus modeste, structurent l'espace intérieur. Ils permettent notamment de distinguer deux cours préfigurant la partition classique des villae : à l'ouest, un bâtiment sur poteaux plantés à deux nefs désignerait l'espace "résidentiel" ; à l'est, mares, structures et bâtiments de stockage, témoignent des activités artisanales et/ou agricoles.

Le mobilier céramique recueilli dans le comblement des fossés peut être attribué à la période fin Auguste/Tibère. Cette datation est principalement affinée par la présence en petite quantité de vaisselle de table (premier répertoire de sigillée sud-gauloise, terra nigra et terra rubra) et de céramiques à pâte claire (cruches et mortiers) symbolisant l'amorce de changement culturel dans le mode de préparation et de consommation des aliments.

 

Le développement de la ferme jusqu'à la période claudienne est marqué par un agrandissement. Un fossé simple délimite désormais un espace d'au moins 10.500 m2 au NO, dans la continuité duquel semble collé un second enclos au SE.

Les structures associées à cette phase sont rares : quelques fosses et/ou silos, ainsi qu'un fossé délimitant un petit enclos au nord. De fait, les espaces "vides" dominent. Cette perception est-elle consécutive d'une persistance de structures antérieures (bâtiment sur poteaux...), ou reflète-t-elle une rupture fonctionnelle (permutation des parties résidentielle et servile) ? Avec la réserve qui s'impose, le mobilier céramique, relativement riche en vaisselle de table, plaide pour la première proposition.

 

De nouvelles transformations affectent l'établissement rural dès la seconde moitié du Ier siècle. Celles-ci concernent notamment les techniques de construction, avec l'apparition de bâtiments sur solins de pierre. La chronologie relative établie par les recoupements entre fossés et/ou bâtis témoigne d'au moins trois séquences successives dont la portée est difficilement appréciable. La description ci-après reste donc très générale.

Des enclos accolés ou emboîtés succèdent à la limite tibério-claudienne. Ils encadrent une cour de 5.000 m2 environ et définissent un espace, vraisemblable pars rustica incomplète d'une villa se développant hors emprise (vers le SE ?). Bordant la cour, les différents enclos délimitent des parcelles, voire micro parcelles, caractérisant sans doute des activités agro-pastorales. L'espace central de la cour est occupé par une mare de forme subcirculaire, contrainte par un talus (fossé curviligne au SO et au NE).

Des bâtiments sur radiers de silex encadrent la cour. Les constructions sont rustiques, de plan rectangulaire allongé (dimensions respectives des bâtiments 1 à 5 : 6 x 15 m ; 7 m de large et au moins 23 m de long ; 8 x 13 m ; 8 x 24 m ; 6,5 m de large et au moins 19 m de long). Les plans sont composés d'une pièce unique, à l'exception du bâtiment 2 qui présente au moins 3 pièces alignées sur un axe SO/NE. Ce dernier modèle caractérise tant des bâtiments agricoles que des habitats, voire même le bâti résidentiel d'une villa. De fait, on ne peut exclure l'hypothèse d'une villa urbana modeste.

En rupture avec la phase précédente, la proportion de vaisselle de table est très limitée. L'écrasante majorité du répertoire est composée de céramique culinaire.

 

Aucun indice mobilier ne permet d'attester l'occupation du site au-delà du milieu du IIe s. L'absence de traces de destruction suggère un abandon ou un déplacement de l'occupation.

 

Laurent Cholet & Guillaume Blondel

SMAVE

 

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Le fort arasement des bâtiments et la rareté du mobilier associé rendent leurs interprétations conjecturales : habitation, grange, étable, atelier ? Tout au plus identifiera-t-on le bâtiment 4 (photo ci-contre) à une grange et/ou étable : ses murs sont ponctués par des contreforts extérieurs suggérant la présence d’un étage servant au stockage de matériaux pondéreux.

Éléments de bibliographie

 

BAYARD (D.), La romanisation des campagnes en Picardie à la lumière des fouilles récentes : problèmes d'échelles et de critères, in Revue archéologique de Picardie, numéro spécial 11, 1996, pp. 157-184.

 

PETIT (E.) (ss. la dir. de), Le Tréport, Seine-Maritime, "Chemin des Granges", diagnostic 2011, Un établissement gallo-romain en milieu côtier, rapport de diagnostic, INRAP, 2011

 

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